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Blog géopolitique de D. Giacobi

INTERDICTION DU VOILE A L’ECOLE EN FRANCE ENTRE 1989 ET 2004. RETOUR SUR IMAGES : VOILE ISLAMIQUE INTEGRAL ET BURQA, DEBAT GEOPOLITIQUE (2ème article)

Aujourd'hui le débat sur le voile intégral en France prend souvent une tournure géopolitique en raison de ses liensSantayana George Co Time avec la question de l’intégration et des relations avec l’Islam et avec l’Islamisme. Une nouvelle fois « le choc des civilisations » pointe son nez dans ce débat.

 

« Ceux qui ne peuvent se rappeler le passé sont condamnés à le revivre »  écrit l’écrivain américain George Santayana.

 

 

 

Il est très éclairant de relire l’histoire de l’interdiction du voile à l’école entre 1989 et 2004 pour mieux comprendre le débat actuel sur le voile intégral.

 

 

 

Article précédent :

 

http://hgsavinagiac.over-blog.com/article-voile-islamique-integral-et-burqa-des-faits-pour-batir-son-opinion-53671199.html

 

 

 

Article suivant :

  http://hgsavinagiac.over-blog.com/article-interdiction-du-voile-a-l-ecole-en-france-entre-1989-et-2004-retour-sur-images-voile-islamique-integral-et-burqa-debat-geopolitique-3eme-article-53752615.html

 

 

Voir :

 

http://hgsavinagiac.over-blog.com/article-y-a-t-il-un-choc-des-civilisations-minarets-en-suisse-et-voile-islamique-50869154.html

 

& aussi :

 

http://hgsavinagiac.over-blog.com/article-memoires-rivales-et-choc-des-civilisations-chronique-de-la-destruction-des-bouddhas-de-bamiyan-en-afghanistan-par-les-talibans-50911957.html

   

2°) HISTORIQUE DU DEBAT SUR LE VOILE EN FRANCE :

 

  Depuis les années 1990 est ouvert en France un débat sur le voile islamique. Il pose diverses questions : celles de l’intégration face à la montée des communautarismes, de la condition féminine en France quelque soit la religion ou l’origine nationale, et enfin celles de la lutte contre l’islamisme sans amalgame avec la Communauté musulmane française. Nourri de la peur d'une « communautarisation » voire d'une « islamisation » de la société française, le débat sur le voile à l’école a permis à certaines franges de la communauté musulmane  d’exprimer la peur d'une « assimilation et d’une sécularisation forcées » face aux expressions de la foi musulmane. Il a aussi amorcé la définition de la place de l’Islam dans la société nationale.

 

Ce débat aboutit au vote de la Loi de 2004 sur les signes religieux à l’école publique

 

  A/ Des débats avant-coureurs :

 

     C’est à partir de 1989 que les médias français commencent à parler de filles qui portent le tchador à l’école, en cours comme à la récréation,  pour y affirmer leur identité religieuse.

     Le 18 septembre 1989 Fatima (13 ans) et Leïla (14 ans) Achahboun, ainsi que Samira Saïdani, cessent de fréquenter le Collège Gabriel-Havez de Creil dans l'Oise (500 élèves musulmans sur 876 et 25 nationalités ), sur la demande du principal du Collège qui estime dans une lettre aux parents que le voile est une marque religieuse incompatible avec le bon fonctionnement d'un établissement scolaire. Malek Boutih alorsJospin Lionel a vice-président de SOS Racisme trouve « scandaleux que l'on puisse au nom de la laïcité intervenir ainsi dans la vie privée des gens, malmener les convictions personnelles. » L'Humanité , le quotidien communiste, du 6 octobre 1989 dénonce : « la volonté de mettre l'islam au ghetto, les relents de racisme", ladémission éducative ». Lionel Jospin alors ministre de l'Education nationale appela au respect de « la laïcité de l'école qui doit être une école de tolérance, où l'on n'affiche pas, de façon spectaculaire ou ostentatoire, les signes de son appartenance religieuse. » Il précisa :  « l'école est faite pour accueillir les enfants et pas pour les exclure ». Finalement, les trois collégiennes retournèrent à l'école le lundi 9 octobre 1989  suite à un accord entre les parents et le Collège : Les filles pourront mettre leur foulard dès la sortie des cours et le retirer avant d'y entrer.

      Souan Flijan, tunisienne en cours de naturalisation de 18 ans demeurant à Marseille a subi plusieurs refus d'inscription parce qu'elle portait le voile. Inscrite finalement au lycée professionnel de Marie Laurencin à Sainte-Marthe, elle est admise en cours le matin du 6 octobre 1989 mais dès l'après midi, on la refuse à nouveau en classe et elle n'est plus revenue au lycée. Le MRAPMouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples-  est saisi et Maître Gilbert Collard assura la défense des intérêts de l'association et de Souan Flijan. Le 16 octobre 1989 le recteur de l'académie d'Aix-Marseille Charles Zorgbibe se rend au lycée professionnel pour soutenir les enseignants, qui font bloc avec le proviseur pour ne pas accepter que la jeune Souan porte son voile en cours. Il déclara : « Cette intégration ne se fera que dans la laïcité. On ne peut pas lâcher sur ses principes. Il faut que tous les jeunes Marseillais apprennent à vivre dans la République. » SOS Racisme soutint le MRAP et jugea cette position « on ne peut plus douteuse et irresponsable ».

      Les affaires se multiplient alors en France prenant une allure de « bras de fer » avec les autorités françaises et les syndicats d’enseignants. Les prises de position déferlent dans la presse nationale. Le débat perdura jusqu'en 2004, date de la loi sur les signes religieux à l'école.

    Le dimanche 22 octobre 1989 un millier de personnes selon Libération, « quelques centaines » pour l'Humanité, manifestent à Paris contre l'interdiction du port du foulard à l'école. Libération du 23 octobre  consacra 4 pages à ce dossier écrivant à la une  : « Un déferlement de prises de positions a marqué ce week-end, à propos du port des foulards coraniques dans les écoles publiques. Si l'embarras domine, les clivages ne recoupent pas les frontières politiques et idéologiques traditionnelles. Ils départagent ceux qui prônent l'interdiction par crainte du développement de l'intégrisme et les partisans de l'autorisation, eux-mêmes différemment motivés. » Tous les journaux illustrent leur édition du 23 octobre par des photos de manifestantes voilées en tenue iranienne.

   

       Le 4 novembre 1989, c'est au tour de Danielle Mitterrand de se prononcer pour le respect des miterrand danielle b Co Liberationtraditions et accepter les filles voilées à l'école, elle est accusée par Marie-Claire Mendès-France de faire le lit de la « charia musulmane ». De son côté, Julien Dray (PS) prône l'acceptation des filles voilées qui, ainsi, « évolueront d'elles-mêmes » tout en soulevant la problématique d'intégration de la population d'origine étrangère, opinionRocard Michel et Mitterrand avr 1988 Montpellier AFP partagée par Jean Bousquet (Député UDF de Nîmes). Une pétition qui fait « Le pari de l'école » et qui reconnaît « le signe de l'oppression et de la contrainte exercée sur les femmes musulmanes », mais qui affirme que « l'exclusion sera toujours la pire des solutions » est signée dans Libération du 6 novembre 1989 par plusieurs personnalités, dont Marguerite Duras (écrivain), Catherine Barma (productrice), Elli Medeiros (artiste), Catherine Lara (artiste), Noria Allami (auteur de Voilées et dévoilées), Monique Ewange-Epee (recordwoman de France du 100 mètres haie), Souad Benami (Présidente de "Nana beurs"), Ségolène Royal (PS), Anne-Marie Granger (Cahiers du féminisme), Halima Boumédienne, etc.

 

 

 

Michel Rocard, Premier ministre, défend de son côté la défense de la laïcité et le principe de refus des exclusions.

 

B/  L’avis du Conseil d’Etat et les 3 circulaires de 1989, 1990 et 1994 :

 

En novembre 1989, le Conseil d’Etat  saisi par le ministre de l'Education nationale Lionel Jospin  affirme que le port du voile islamique, en tant qu’expression religieuse, dans un établissement scolaire public, est compatible avec la laïcité, et rappelle qu'un refus d'admission ou une exclusion dans le secondaire « ne serait justifié que par le risque d'une menace pour l'ordre dans l'établissement ou pour le fonctionnement normal du service de l'enseignement ».

En décembre1989, le ministre de l’Education nationale publie une circulaire, statuant que les enseignants avaient la responsabilité d’accepter ou de refuser le voile en classe, au cas par cas.

  En janvier 1990 trois filles sont exclues du collège Pasteur de Noyon et les parents de l’une des filles portent plainte contre le principal pour diffamation. Suite à ces événements, les enseignants d’un collège de Nantua se mettent en grève contre le port du voile islamique à l’école.

 

Une seconde circulaire ministérielle rappelle en 1993 le besoin de respecter le principe de la laïcité dans les écoles publiques.

 

En septembre 1994 une 3ème circulaire dite « Circulaire Bayrou », établit la distinction entre « symbolesBAYROU Francois CO Pyrénéesinfo discrets » pouvant être portés en classe et les « symboles ostentatoires » interdits dans les établissements publics.

 

En octobre 2004 une manifestation est organisée par les élèves du lycée Saint-Exupéry de Mantes-la-Jolie en faveur de la liberté de porter le voile en classe. En novembre 24 filles voilées sont expulsées de ce lycée et du lycée Faidherbe de Lille.

 

De 1994 à 2003, 100 filles environ ont été exclues de collèges et de lycées publics pour port de voile islamique. Dans un cas sur deux environ, ces expulsions furent annulées par les tribunaux.

     La situation devenait intenable car chaque proviseur est seul face aux différents refus d'enlever le voile et doit statuer aux cas par cas. En novembre 1994, le ministère nomme Hanifa Cherifi médiatrice pour le foulard.

   

Le débat sur le voile à l’école s’inscrit dans un contexte terroriste tendu :

 

Après la multiplication des attentats meurtriers contre des Français vivant en Algérie (+30 depuis septembre 1993) ; le détournement de l’avion d’Air France à Alger puis Marseille en décembre 1994, l’été 1995 fut marqué par la reprise des attentats islamistes en France, ils voulaient faire pression sur le gouvernement français afin qu’il cesse son soutien financier et diplomatique au gouvernement algérien en lutte contre le F.I.S. – Front Islamique de Salut - . Le 25 juillet 1995 une bombe explosa dans une rame du RER (Réseau Express Régional) faisant 7 morts et de  très nombreux blessés. Le Ministère de l’Intérieur décida la mise en place d’un coûteux plan de surveillance appelé « Plan VIGIPIRATE ».

Les attentats reprirent avec un nouvel attentat dans le RER le 17 octobre 1995 revendiqué par le G.I.A. – Groupe Islamique Armé- cependant condamné en Algérie par le F.I.S. – Front Islamique du Salut - , le principal parti d’opposition en Algérie.

Le 3 décembre 1996 une bombe éclata dans une rame du RER à la station de Port Royal faisant 4 morts et 126 blessés. L’explosif conduisit les enquêteurs sur la piste du G.I.A. opposé à l’amélioration des relations diplomatiques entre Paris et Alger après que le 29 novembre 1996 86% des Algériens aient adopté par référendum une modification de la constitution algérienne qui étend les pouvoirs du président de la République Lamine Zéroual et que les liaisons aériennes avec l’Algérie aient été rétablies. Le Plan Vigipirate suspendu au printemps 1996  a été réactivé ; resté en place il fut encore renforcé pendant le « Mondial 1998 » en France.

Les enquêtes de police révélèrent l’emprise croissante des groupes islamistes dans les quartiers d’immigrés des banlieues des grandes villes où les jeunes sont les plus touchés par la crise et le chômage..

 

La culture islamique en France représente alors 3M de personnes dont 1M de nationalité française, c'est à dire que l’Islam est devenu la 2ème religion de France . Cependant les sondages révèlent une grande disparité dans la pratique religieuse . En 1994 27% de la population d’origine musulmane se déclaraient pratiquants, mais 60% ont jeûné pendant le mois de Ramadan ; 39% ont bu de l’alcool pourtant strictement interdit par le Coran ; à peine 4% ont fait le pèlerinage à La Mecque prescrit au moins une fois dans la vie de tout musulman ; 75% ne sont pas hostiles au mariage d’un de leurs enfants avec un non musulman. Si on compte 1200 lieux de prière musulmans en France, à peine une centaine sont permanents (des salles), on ne compte que 8 véritables mosquées avec des imâms permanents. La plupart ont été financées par des Pétromonarchies comme l’Arabie Saoudite. Le Ministère de l’Intérieur qui est aussi le responsable des cultes, a vainement tenté de susciter la création d’organismes musulmans suffisamment représentatifs pour être reconnus comme des interlocuteurs valables. Chirac Jacques a

Beaucoup de jeunes soumis à des vexations et privés d’emplois, notamment dans les banlieues, refusent de pratiquer « l’Islam caché » de leurs parents et revendiquent le droit de pratiquer ouvertement la religion islamique dans laquelle ils trouvent un refuge, une dignité et dont ils sont fiers car elle leur inculque des principes de rigueur morale et d’honnêteté face à ce qu’ils considèrent comme la « décadence occidentale et chrétienne ».

 

Cependant la pratique de la religion islamique ne peut être confondue avec l’adhésion à l’intégrisme islamique qui reste incontestablement le fait d’une minorité de musulmans en France.   

 

L'égalité de tous devant la loi n'étant plus respectée en décembre 2003  le président Jacques Chirac décida qu’une loi devait explicitement interdire tout signe religieux visible au nom de la laïcité. Il instaure une commission dirigée par Bernard Stasi pour la préparer.

 

Sarkozy ministre interieurAprès de nombreuses tractations  le 9 décembre 2002 Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’intérieur et des Cultes a obtenu un accord entre les trois grandes fédérations musulmanes - UOIF, Fédération nationale des musulmans de France (FNMF) et Mosquée de Paris pour la création de  l'Union des organisations islamiques de France (UOIF) dont  les statuts furent adoptés fin 2002.

En décembre 2004 regrettant le privilège accordé jusqu'à présent à l'islam militant,  M. de Villepin, nouveau ministre de l’Intérieur voulut que  le Conseil français du culte musulman (CFCM), instance encore jeune, élue en avril 2003, "trouve sa place, mais rien que sa place". Il devait se concentrer sur les  activités cultuelles et être intégré dans un Conseil représentatif des institutions musulmanes, à l'image du CRIF.

 

C/ La Commission Stasi :

En 2003-2004 la Commission Stasi est chargée de préparer une loi sur le port des signes religieux à2003 12 B Stasi remet le rapport Co Platiau AFP l’école.

Depuis 1989 les débats mettent en conflit deux principes républicains : la liberté de culte garantie par la Constitution et la laïcité à la française. C'est au nom de cette dernière que des élèves refusant d'ôter leur voile sont exclues de leur établissement et c’est au nom de la première que plusieurs tribunaux ont annulé ces exclusions.

Un Rapport au Président de la République  fut remis le 23 décembre 2003 donnant en conclusion des propositions à la fois  générales et spécifiques à l'école. Dans le domaine de l'éducation, la commission cherche à imposer un plus grand respect de la pratique religieuse et de la laïcité sans vouloir établir une hiérarchie entre les deux. La commission propose ainsi : l'enseignement accru de la laïcité et de la religion à l'école, l'intransigeance face à ceux qui veulent modifier les programmes scolaires (ex : refus de l’enseignement de l'évolution).

La Commission propose l’adoption d’une loi sur la laïcité, avec deux volets : l’un précisant les règles de fonctionnement dans les services publics et les entreprises, l’autre visant le respect de la diversité spirituelle. L’interdiction de "tenues et signes manifestant une appartenance religieuse ou politique" à l'école publique est proposée par la Commission qui fait une distinction entre signes religieux "ostensibles" à interdire (grandes croix, voile, kippa) et signes "discrets" (médailles, petites croix, étoiles de David, mains de Fatimah, petits Corans). Concernant le 2ème volet de la loi, la commission propose la création d’une école nationale d’études islamiques ainsi que l’incorporation de deux nouveaux jours fériés pour les fêtes religieuses non chrétiennes dans les écoles publiques : le Yom Kippour (fête juive) et de l'Aïd-el-Kebir (fête musulmane) afin de  diminuer l'absentéisme.

Une République confrontée aux communautarismes, une intégration en panne… Bien au-delà des seules affaires de voile islamique, voilà le constat qui ressortait des auditions publiques auxquelles a procédé la commission Stasi pendant deux mois à l’automne 2003. Les 20 «sages» ont entendu plus de 80 personnes. Ce sont les interventions de ceux qui œuvrent dans les quartiers qui ont retenu l’attention. Les plus représentés, les chefs d’établissement, ont ainsi décliné les maux de l’école : la mosaïque des communautés qui se livrent à une surenchère, une collègue d’un collège de banlieue évoquait le «racisme anti-Blanc qui les a fait fuir de son établissement.» Face à ces difficultés, l’administration a paru trop souvent laisser les enseignants bien seuls. Inspecteur de l’éducation nationale, Alain Seksig a fait son mea-culpa : «Il y a vingt ans, nous insistions sur l’expression des différences culturelles. Nous avons survalorisé les appartenances identitaires.» Au-delà de l’école, c’est l’ensemble des «territoires» de la République qui sont concernés. Pour  l’hôpital, ce fut le sombre constat dressé par les professeurs Roger Henrion et Denys Pelerin, de l’Académie de médecine, qui ont fait un état des lieux «cauchemardesque» : cantines religieuses parallèles, refus de subir des soins, circoncisions hâtives, excisions… Pour ces praticiens, une loi sur les signes religieux devrait aussi concerner l’hôpital.  Pour les municipalités le témoignage du maire de Sarcelles, François Pupponi, a révélé une situation plus nuancée du «communautarisme». Ce socialiste, à la tête d’une ville multiculturelle expliqua pourquoi il «s’interdisait, comme laïc, de juger des pratiques religieuses de ses concitoyens». Lorsqu’une association de femmes loubavitchs observe la non-mixité à la piscine, dans les horaires qui lui sont alloués, en dehors des heures du public, «c’est son problème». Son travail, qui implique des relations avec toutes les communautés religieuses, permet, selon lui, de «faire progresser l’intégration». Le président du Conseil français pour le culte musulman, Dalil Boubaker a expliqué que la laïcité est souvent perçue par les musulmans de France comme un «alibi» pour dire non : non aux cimetières, aux mosquées et, bientôt, non au voile. Le voile constitue pour lui, une «prescription religieuse» et, même si «les musulmans se soumettent aux lois de la République», «on ne légifère pas sur les rites religieux».

 

Finalement les 31 membres de la mission d'information parlementaire sur les signes religieux à l'école se sont prononcés à l'unanimité pour une disposition législative portant sur l'interdiction du port de signes religieux et politiques à l'école publique.  Un "consensus s'est dégagé pour constater qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer cette disposition aux départements d'Alsace-Moselle compte tenu de leur régime spécifique".

 

Source : La Documentation française, Rapport 2003 au Président de la République et au Parlement

 

Le débat à l’époque :

1°) Dans les milieux politiques :

En mai 2003 l'ancien ministre (PS) de l'Education nationale Jack Lang, qui assurait, en 1995, à propos desjack-lang c jeunes filles voilées : "J'ai tellement confiance dans l'école de mon pays que je ne doute pas que ces jeunes filles finiront toutes par se soumettre à ses règles de vie", fait en 2003 son mea culpa, en expliquant à L'Express : "A l'époque, nous n'avions pas la même conscience du danger de l'islamisation extrémiste (...) Nous étions peut-être un peu naïfs."

Le président de l'UMP, Alain Juppé, a lui-même affirmé : "Il faut que le législateur prenne ses responsabilités."

Parce qu'il veut "éviter tout conflit inutile", le premier ministre Jean Pierre Raffarin Jean Pierre b c Pascal Fellonneau GetThePictureRaffarin qui s'était prononcé le 3 avril, en faveur de l'interdiction du voile "dans l'exercice du service public", estimait, le 4 mai 2003  sur Europe 1, "que la laïcité devrait être suffisamment forte pour ne pas avoir besoin de loi pour s'imposer". "Nous devons trouver une solution de sagesse", a déclaré, pour sa part, le président de la République Jacques Chirac  devant le président du Conseil français du culte musulman, Dalil Boubakeur, reçu le 7 mai à l'Elysée. Le débat divise alors la majorité jusqu'au sein du gouvernement : le ministre de la culture, Jean-Jacques Aillagon, est favorable à l'interdiction des signes religieux dans les écoles et les administrations ; le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, juge inutile d'envenimer les choses en votant une loi sur le sujet (il n'avait peut-être pas mesuré l'impact qu'auraient les huées qui se sont élevées, dans les rangs de l'UOIF -proche des Frères musulmans- , le 19 avril, au moment oùFERRY Luc il rappelait la loi sur l'interdiction du port d'un foulard sur les photos d'identité. Cette ferme évocation était censée contrebalancer la souplesse dont il cherchait à faire preuve sur le port du voile à l'école) et le ministre de l'Education nationale, Luc Ferry, préfère inscrire le principe de laïcité de l'école à l'occasion d'une modification, en 2004, de la loi d'orientation sur l'éducation. Ce dernier relève qu'une loi sur le foulard risquerait "d'être anticonstitutionnelle si elle allait au-delà de l'avis du Conseil d'Etat" et qu'elle se heurterait au droit européen. ). Perben DominiqueDominique Perben, le ministre de la justice, Garde des sceaux auditionné le 14 novembre 2003 par la Commission Stasi, considérait que "la laïcité républicaine n'est pas la négation du fait religieux", il a affirmé que "la liberté de l'élève s'arrête là où commencent les exigences du service public de l'éducation", précisant : "Il ne peut y avoir d'atteinte aux activités d'enseignement, au contenu des programmes ni à l'obligation d'assiduité" ; évoquant les conflits suscités par le port du voile dans l'administration judiciaire dont il avait la charge, il a indiqué s'être opposé à ce qu'une avocate prête serment voilée.

 

 

 Dharia B., une jurée de 30 ans, a été remplacée lundi 24 novembre 2003  par la cour d'assises de Seine-Saint-Denis, à Bobigny, parce qu'elle s'apprêtait à siéger voilée. "J'assume cette position politique parce que c'est mon rôle en tant que ministre de la justice de faire en sorte que les règles républicaines soient respectées à l'intérieur des enceintes judiciaires", souligna Dominique Perben, le 25 novembre, sur Europe 1. Dans un communiqué publié le 24 le garde des sceaux avait précisé avoir lui-même demandé au procureur de la République de Bobigny le remplacement de cette jurée. "Lors de la constitution du jury, une jurée tirée au sort a d'abord prêté serment la tête découverte, puis a décidé, pour raisons religieuses, de siéger la tête voilée", indiquait le communiqué ministériel. "Informé de cet incident, Dominique Perben a aussitôt demandé au parquet de requérir le remplacement de cette jurée par un autre juré." Pour le ministère de la justice, "cette attitude porte en effet atteinte au principe constitutionnel de laïcité, et est contraire aux principes d'impartialité et d'indépendance consacrés par le code de procédure pénale".

La cour d'assises de Seine-Saint-Denis a suivi la demande du parquet. La jeune femme n'a pas été récusée - la récusation intervient avant la prestation de serment -, mais a été remplacée pour avoir, en portant son foulard au moment de siéger, exprimé une opinion. La cour a fondé sa décision sur la Convention européenne des droits de l'homme, la Constitution française et deux articles du code de procédure pénale. L'article 304, qui porte sur le serment des jurés, indique que le président des assises s'adresse "aux jurés debout et découverts". En outre, l'article 311 interdit aux assesseurs et aux jurés de "manifester leur opinion"..

   Dominique  Perben avait aussi souligné les difficultés éprouvées dans les prisons, où "le port du voile par les détenues est toléré". "Ce n'est plus seulement la laïcité dans l'école qui fait débat, mais la laïcité dans les services publics en général, voire dans toute la société", avait-il conclu, préconisant une "solution d'ensemble", fondée sur "l'articulation entre les principes de laïcité et d'égalité". Dans cet esprit, il a jugé le voile comme "un élément de discrimination à l'égard de la femme" et que "toute solution -au débat sur la laïcité- doit porter en son cœur l'égalité homme-femme". Il s'était dit préoccupé de "condamner le communautarisme -sans- stigmatiser aucune communauté" et a recommandé d'écarter "toute solution qui apparaîtrait discriminatoire à l'égard des musulmans", qui doivent "voir leur foi protégée dans son exercice". "Une loi sera peut-être utile, a-t-il déclaré. Mais je sais que la loi n'a pas réponse à tout. Et je sais que la loi a des limites, que l'on rencontre dans son application. La loi peut être inefficace." Il avait suggéré à la commission un "principe de précaution législative". François Fillon, le Premier Ministre s'interrogeait sur le flou qui entoure les principes républicains, lors de son audition devant la commission Stasi le 16 septembre 2003 il déclara : "Parce que la laïcité doit demeurer le principe d'organisation général du système éducatif public, je suis personnellement favorable à une législation interdisant le port ostentatoire de tout signe religieux. Je crois que les directeurs d'établissement et les enseignants ont besoin d'un cadre clair pour les épauler dans leur tâche." "Mais, a-t-il ajouté, sur ce sujet délicat, le débat est ouvert..." "En fait, le gouvernement craint de rouvrir une guerre religieuse, un débat où tout dérape, comme la gauche y avait été confrontée lors du débat sur l'école libre", juge Yves Jego. Sans doute craignait-il aussi de braquer à la fois la communauté musulmane et les électeurs du Front national, au moment où Jean-Marie Le Pen reprenait comme unique thème de campagne la lutte contre l'immigration.

      

2°) Dans les milieux beurs mais indifférents ou athées : des musulmans laïques 

Le conflit qui divise la famille de Lila et Alma, exclues de leur lycée d'Aubervilliers, à la rentrée 2003 symbolisa alors le débat français. "Je suis athée et je dénie à quiconque le droit de m'enfermer dans une religion. Pour moi, le voile est un signe d'impudeur qui attire les regards, la marque d'une revendication de l'oppression des femmes" affirmait Nadia Amiri, ancienne dirigeante de l'association France Plus, doctorante à l'Ecole des hautes études en sciences sociales. Fille d'un ouvrier algérien " qui faisait les 3 x 8 bien plus souvent que ses prières", elle refuse que l'islam "devienne systématiquement un mode d'expression identitaire" et soutient l'idée d'une loi interdisant tous les signes religieux dans les lieux publics. L'immense majorité des musulmans de France non seulement ne revendiquent pas le port du foulard mais considèrent les jeunes filles voilées avec des sentiments variant entre l'indifférence, la réticence et la franche hostilité. Cependant peu d’enquêtes reflétent les opinions spécifiques des musulmans, par crainte de la constitution de fichiers discriminatoires. Selon un sondage IFOP-Le Monde de septembre 2001, seuls 36 % des musulmans se disent "croyants et pratiquants", 42 % s'affirmant simplement "croyants", 16 % "d'origine musulmane" et 5 % "sans religion". La même enquête indique que 79 % des musulmans ne fréquentent pas la mosquée, mais elle ne fournit pas d'indication sur leur attitude à l'égard du foulard. Aussi les musulmans "laïques" commencent alors à s’exprimer.

A la stigmatisation du monde musulman et aux amalgames consécutifs aux attentats du 11 septembre 2001 s'est ajoutée la consécration qu'a reçue l'islam religieux avec la création, par Nicolas Sarkozy, du Conseil français du culte musulman (CFCM), les musulmans laïques ont répondu par la création du "Conseil français des musulmans laïques" par Amo Ferhati,  du "Conseil des démocrates musulmans de France" d'Abderrahmane Dahmane, proche de l'UMP – ( ce conseiller principal d'éducation dans un lycée parisien croit aux vertus du dialogue pédagogique pour éviter la présence de foulards en milieu scolaire, qu'il qualifie de"signe de faiblesse". Une loi conduirait, selon lui, à "victimiser une minorité qui n'a pas de culture républicaine". Lui qui voit dans la religion un " facteur d'équilibre" prône une "interprétation moderne du Coran", plaçant au-dessus de toutes les autres consignes le verset proclamant "nulle contrainte en religion" -) ;  de la "Convention laïque pour l'égalité des droits" de l'industriel Yazid Sabeg, du "Mouvement des musulmans laïques de France" animé par d'anciens du mouvement beur...

Figure du mouvement beur et ancienne députée européenne, Djida Tazdaït participa à la rédaction d'un appel qui qualifie le foulard islamique de "véritable étendard de l'islamisme politique". Elle se définit comme une "croyante modeste, à l'image de la majorité des musulmans", et considère la tolérance affichée par certains politiques comme une forme de "mépris postcolonial". Pourtant, à l'instar, semble-t-il, de la quasi-totalité des musulmans, "laïques" compris, elle est hostile à l'idée d'une loi prohibant le foulard, qui "jetterait de l'huile sur le feu et créerait des martyrs". Aucun droit fondamental ne peut être remis en cause par des rituels, affirme-t-elle, "sinon, la République va nous éclater à la figure". Mais l'arsenal juridique existant lui semble suffisant "à condition que l'on n'y déroge pas à chaque fois que surgit un obstacle".

La nébuleuse des musulmans "laïques" s'est organisée autour de personnalités, d'appels et d'apparitions médiatiques. Elle a multiplié en 2003 les congrès, forums et consultations, mais  son audience réelle restait difficile à évaluer. Les animateurs de cette mouvance sont des beurs qui supportent mal de voir des religieux aujourd'hui légitimés par les hautes sphères de l'Etat. " Ils prennent une sorte de revanche sur le monde politique, et en particulier sur les socialistes, qu'ils accusent d'avoir favorisé l'islam. Mais la mouvance laïque est loin d'avoir la capacité de mobiliser certains jeunes qu'ont acquise les associations musulmanes", estime Vincent Geisser. Ce sociologue au CNRS à Aix-en-Provence constate une "convergence"entre ces militants beurs et des intellectuels exilés en France qui vivent la revendication du foulard comme un écho aux persécutions subies dans leur pays d'origine. "En fait, beaucoup des "musulmans anti-foulard" sont athées sans pouvoir le dire, analyse la sociologue Nacira Guénif, professeur à l'université Paris-Nord, parce que le regard des autres continue de les désigner comme "musulmans" et fait exister la "communauté musulmane" comme espace de jugement." Pour elle ce cliché du "musulman" s'inscrit dans une filiation historique, succédant aux figures de l'"indigène" et de l'" immigré".

Hostiles au foulard à l'école, ces observateurs aux visions très diverses se rejoignaient pour recommander d'autres stratégies pour sortir d'un débat surmédiatisé et politiquement instrumentalisé. Le renouveau de l'enseignement de l'histoire coloniale et postcoloniale, pourrait permettre aux élèves d'origine musulmane de s'inscrire dans l'histoire française et d'y valoriser le rôle des musulmans. L'intégration d'une histoire plurielle des faits religieux dans les programmes est aussi recommandée par certains. Mais les "affaires de foulard" soulèvent surtout la revendication d'un renouvellement des formes de dialogue et de la vie démocratique dans les établissements scolaires.   D’après Philippe Bernard - LE MONDE 14 octobre  2003)

 

3°) Dans les associations de défense des droits de l'homme :

Comme l’a rappelé devant la commission Stasi Patrick Gaubert, président de la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme) : «Si on est là, c’est parce qu’il y a eu des problèmes de voiles, pas des problèmes de croix.» Une loi, selon lui, aboutirait donc à «stigmatiser toute la partie musulmane de la population française».  Comme la Licra, le Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), la Ligue des Droits de l’Homme ou encore SOS-Racisme ne cachent pas leur malaise face à une éventuelle législation. «Une loi serait un bulldozer pour s’attaquer à des mouches», a ainsi lancé Moulmoud Aounit, secrétaire général du Mrap. Elle aurait «des conséquences dramatiques», explique pour sa part Fadela Amara, animatrice du collectif «Ni putes ni soumises». Oui, renchérit Dominique Sopo, il faut bannir de l’école le voile pour «protéger celles qui ne le portent pas». Mais le président de SOS-Racisme préfère en passer par «des circulaires» et s’inquiète du caractère solennel de la loi. «Parfois, a-t-il mis en garde, derrière la laïcité, il y a des considérations un peu moins nobles et la laïcité, dans ce cas-là, ça veut dire : J’aime pas les Noirs et les Arabes.»

Pour les opposants comme pour les adversaires d’une loi, la question du voile cristallise désormais toutes les passions. Comme le disait le sociologue Alain Touraine, membre de la commission Stasi : «Même si on est contre la loi, on voit bien qu’on n’échappera pas à un geste fort. On nous demande un geste fort.»

Un geste ou une loi ? Toute la question était là.

 

Début novembre 2003, un sondage du Figaro Magazine montrait la préférence des Français : 55 % se disent en faveur d’une loi interdisant le port de signes religieux à l’école, 40 % se prononcent contre.

"1 256 jeunes filles voilées, 20 cas difficiles et 4 exclusions": le 20 novembre 2003, le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, avançait une première estimation. Elle-ci apparaissait largement sous-évaluée car la grande majorité des cas, réglés sans conflit, ne sont pas recensés. Six élèves voilées ont été écartées d'établissements scolaires depuis la dernière rentrée. Trois d'entre elles ont été exclues par décision du conseil de discipline  : les sœurs Lévy d'un lycée d'Aubervilliers en Seine-Saint-Denis et Hilal  N., d'un collège de Thann dans le Haut-Rhin (Le Monde du 29  novembre). Dans les trois autres cas, les parents ont décidé de retirer leur fille devant les pressions de l'institution scolaire  : au lycée Voltaire d'Orléans (Loiret), au lycée Marie-de-Champagne de Troyes et à l'école d'Avant-lès-Marcilly (Aube).

 

 

Octobre 2003 : Arrêts sur image  (D’après Xavier Ternisien- LE MONDE 14 octobre  2003)

 

§ Hilal vient d'entrer en sixième. Elle a 11 ans et demi, un visage rond et potelé, entouré par un foulard imprimé noir et beige. Sur des feuilles volantes, arrachées à un cahier d'écolier, elle a raconté sa première rentrée au collège de Thann (Haut-Rhin), dans un style approximatif. "Mardi 2 septembre. La rentrée. Je suis musulmane. Je mets le foulard car j'aurai bientôt 12 ans. Nous sommes à la cour et chacun à leur tour, les élèves sont appelés dans le rang par le principal. Avant que j'étais appelée, Monsieur B. a regardé déjà à nous bizarrement..."  Les parents d'Hilal ont rassemblé dans un dossier les pages de ce journal, ainsi que les courriers qu'ils ont reçus du principal et ceux qu'ils lui ont envoyés. Leur fille a été exclue le 29 septembre 2003, quatre semaines après la rentrée. Elle ne voulait pas retirer son foulard. Le principal a invoqué le règlement du collège. On y trouve l'article suivant : "Le port d'un couvre-chef, le chewing-gum sont interdits dans l'établissement." La mère se lamente : "Le principal considère le foulard comme un couvre-chef. Mais ce n'est pas un couvre-chef. C'est notre religion..." Les parents sont turcs, mais ils parlent français avec l'accent traînant de la région, presque un accent suisse. La mère est en France depuis vingt ans, le père depuis quinze. Inlassablement, ils répètent leurs arguments : "Nous, on a toujours respecté les lois, on n'est jamais allés au commissariat, insiste le père, entrepreneur en bâtiment. On dérange personne." "On ne va pas changer notre façon de vivre pour le principal, renchérit la mère. Notre fille ne manque pas de respect à ses professeurs. Elle suit tous ses cours. Si le principal allait en Turquie, on ne lui demanderait pas de se convertir à l'islam !" Sur les conseils d'une amie, la mère a fait appel au Dr Abdallah Milcent, un médecin de Strasbourg converti à l'islam, qui défend les jeunes filles voilées. Il doit lui envoyer par courrier son livre, intitulé : Le Foulard islamique et la République française : mode d'emploi. La famille est décidée à se battre, devant les tribunaux s'il le faut. "On va trouver une solution pour elle, dit le père. Elle peut faire l'école par correspondance." Les parents affirment qu'ils n'ont jamais obligé leur fille. Simplement, pour eux, le foulard c'est l'islam : "Ce n'est pas une question de choix. Une femme musulmane est voilée." Ont-ils seulement consulté l'imam de la mosquée pour lui demander un avis autorisé ? La mère répond : "Pas besoin. On sait déjà. En turc, il y a un proverbe qui dit : "L'imam, c'est le Coran." Le Coran est à la maison, il n'y a pas à chercher ailleurs. C'est écrit dedans."  Plus tard, Hilal aimerait être médecin ou infirmière. Elle explique qu'elle est tout à fait libre : "Mes parents m'ont proposé de mettre le foulard plus tôt. J'ai dit non, parce que je n'étais pas prête. A 11 ans, j'ai dit oui, parce que j'avais le courage. Le jour de la rentrée, plusieurs filles ont retiré le foulard. Elles avaient peur. Elles m'ont dit qu'elles admiraient mon courage. Il paraît que mon professeur principal a dit : "Si on la laisse faire, il y en aura cinquante.""

 

§ Leïla -le prénom a été changé- a 16 ans et porte le foulard depuis trois mois. Par les fenêtres de l'appartement où vit sa famille, on voit d'autres fenêtres, celles de l'immeuble d'en face. La verdure est rare dans cette cité d'Aubervilliers. Le principal ornement du salon est un grand buffet bibliothèque. On aperçoit sur les rayonnages des livres à succès : Les oiseaux se cachent pour mourir, de Colleen McCullough, Jamais sans ma fille, de Betty Mahmoody, mais aussi Les Nuits fauves, de Cyril Collard. La lycéenne et sa mère ont une conversation animée :

"- Tu es trop jeune pour porter le foulard. Moi, j'ai voyagé, j'ai vécu ma vie. Je trouve ça dommage pour toi, ma fille !

- Arrête, maman, je peux voyager avec un foulard. Je peux aller à la plage. Je ne sais pas si je peux me baigner...

- De toute façon, tu n'es pas une fille à te laisser faire. Tu n'es pas soumise.

- Je suis soumise à Dieu.

- Tu dis Dieu ! Mais Dieu, il ne te dit pas d'obéir à tes parents ?"

La jeune fille tient tête à sa mère qui n’hésite pas à dire: "Moi, je suis marocaine, de Rabat. Ma langue maternelle, c'est le français. J'ai mangé du porc. Il y a deux ans encore, on fêtait Noël à la maison. Je ne sais même pas préparer le thé à la menthe, c'est dire ! Depuis un an, je porte le foulard. Après une maladie. Mais un foulard discret, pas comme ma fille !" Sa mère se moque de son fichu : "Au Maroc, c'était bon pour les bonnes ! C'est sa tante qui lui a ramené ses foulards blancs. Moi, je lui achète des bandanas. Elle ne veut pas les mettre ».  Le père de la jeune fille, qui est algérien, ne supporte pas non plus cette nouvelle lubie. Il menace de déchirer tous les foulards et de les jeter à la poubelle.

Leïla, la tête couverte du fameux petit fichu blanc, entouré d'un voile noir, persiste dans ses positions : « c'est mon choix, comme dans l'émission à la télévision. J'ai toujours été intéressée par ma religion. Souviens-toi, quand j'étais petite, je posais tout le temps des questions." Dans la cité, elle a rencontré une femme pieuse, voilée, qui lui a prêté des livres. Des opuscules pour apprendre à faire la prière. Un ouvrage intitulé Le Hidjab et la femme musulmane, par le Dr Hassan Amdouni. Toute une littérature traduite en français et éditée au Liban ou en Arabie saoudite. Ce sont ces lectures qui l'ont amenée à décider de porter le foulard. Leïla ne lit pas l'arabe. Sa mère lui a écrit phonétiquement la prononciation de quelques sourates. La jeune musulmane fréquente la mosquée de l'UOIF, à La Courneuve. Elle lit un passage du Coran en français tous les soirs. Elle trouve que "l'islam est la plus belle des religions" : "Tout ce qui nous est interdit, c'est pour notre bien. Comme l'alcool, qui est mauvais pour la santé. Le voile, c'est pareil : une femme voilée, on lui accorde plus de respect dans la rue. On ne l'embête pas. De toute façon, il ne faut pas porter le voile juste par obligation. Sinon, ce n'est pas la peine. L'essentiel, c'est dans le cœur." La mère intervient : "Tu es dans le pays qui a accueilli tes parents. Tu lui dois le respect !" La fille en appelle à la liberté individuelle : "Chacun fait ce qu'il veut, du moment qu'il se sent bien. Ceux qui ne veulent pas me voir, ils ne me regardent pas." Leïla qui est en première, a fait sa rentrée avec le foulard. Avant d'entrer au lycée, elle ôte son voile noir et garde le petit fichu blanc, serré autour de ses cheveux. Le proviseur n'était pas d'accord au début. Puis il a accepté le petit foulard. Sa mère a décroché son téléphone et appelé l'UOIF, à La Courneuve, en demandant à parler à l'imam. "Ils m'ont répondu : si le proviseur demande d'enlever le foulard, il faut que votre fille l'enlève", se félicite-t-elle.  Au lycée, deux filles entièrement voilées ont été exclues. Leïla les admire : "Elles sont belles, on dirait des anges !"

 

Références sur le Web :

La Circulaire Bayrou de 1994 :

http://www.crdp-nice.net/editions/supplements/2-86629-399-1/F6_4_CircBayrou.pdf

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/laicite/laicite-ecole.shtml

 

 

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