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Blog géopolitique de D. Giacobi

PHOTO ET HISTOIRE : L’IMAGE-CHOC, Phan Thi Kim Phùc, « l’enfant symbole du Viet Nam » :

La Vidéo :

http://www.dailymotion.com/video/x71ks1_phan-thi-kim-phuc-vietnam-napalm_news

 

" Images d’histoire, histoires d’images ". Le rapport entre l’histoire et l’image soulève de nombreuses questions, dont certaines ont été abordées dans Courrier International n° 711 (17/06/2004).

l Une image peut-elle changer le cours de l’Histoire ? " La photo de la petite Vietnamienne brûlée aukim phuc pv d une image napalm a-t-elle amené l’opinion américaine à prendre position contre la guerre ? Ou bien l’opinion, avait-elle déjà basculé dans le camp des anti-guerre quand la photo a été publiée ? " Dagens Nyheter, Courrier. " Aucune image n’a modifié le cours des choses ni pesé sur les décisions des militaires et des politiques ", écrit de son côté Jacques Portes.

l Pourquoi la guerre occupe-t-elle une telle place dans les productions du photo-journalisme ? Dans quelles conditions les journalistes ont-ils travaillé pendant la guerre du Vietnam ? Je n’ai jamais cru que le monde ressemblait aux photographies ", dit David Hockney, qui pense que " la peinture peut-être un meilleur médium pour transmettre la vérité des situations extrêmes ". En quoi l’écho médiatique modifie-t-il le regard sur un événement ?

l  Toute photographie est une construction. Quelle est la part de spontanéité ? Quelle est la place de la mise en scène ? Quelle place occupe la subjectivité ? Que regarde-t-on dans une photographie ? è  Raising the Flag on Iwo Jima, la photo de Joe Rosenthal qui a guidé la conception du Mémorial des marines au cimetière d’Arlington ou la photo de la prise de Berlin par l’Armée Rouge en 1945.

 

Comment une image devient-elle une icône? Comment développer une approche rationnelle et faire une lecture critique d’images qui ont été produites en vue de susciter une émotion, voire un geste humanitaire ?

 

Autant de questions que nous devons nous poser face aux images qui envahissent notre quotidien.

 

 Couverture Der Spiegel

L'une des photographies les plus mythiques de la Guerre du Vietnam, « l’enfant brûlée, symbole du Viet Nam » a été prise par Nick Ut, un jeune photographe vietnamien d'Associated Press, le 8 juin 1972, le cliché, publié le lendemain, rapporta à son auteur le fameux  prix  Pulitzer  et transforma  Phan Thi Kim Phùc en symbole de la barbarie des guerriers et de l’horreur de la guerre. Quelle est l’histoire de cette photo ?

  1972 napalm d

UNE GUERRE DU VIETNAM QUI N’EN FINIT PLUS

 

1°) La Guerre d’Indochine française vit les origines de l’engagement américain : 

             En pleine Guerre de Corée, en 1951 les EU décidèrent d’apporter leur soutien financier et matériel aux Français engagés dans la Guerre d'Indochine.  et dans laquelle les EU virent désormais non plus une guerre coloniale mais « un des fronts chauds de la Guerre Froide », le vice président républicain Richard Nixon, se rendit alors en Indochine.  Après la Conférence de Genève et le retrait français de 1954, en application des conceptions du secrétaire d’Etat John Foster DULLES qui développait sa « théoriedulles-indochina BON des dominos » (pour laquelle la contagion communiste se propageait à partir d’un point d’ancrage comme le Sud Viet Nam pour se développer ensuite dans les pays voisins comme le Laos, le Cambodge, la Birmanie et la Thaïlande …), ils apportèrent un soutien de plus en plus massif au gouvernement sud viet namien.

 En effet le 5 juin 1948, par les Accords de la Baie d’Along les Français, s’appuyant sur Bao Dai, l’ancien empereur d’Annam, soutenu par les nationalistes modérés et la bourgeoisie de Saïgon, avaient accordé l’indépendance au Vietnam au sein de « l’Union Française » et en 1949 au Laos et Cambodge. Mais l’impopularité de Bao Dai, appelé « l’homme du Sud et des français », grandit.  En outre on assiste alors à l’internationalisation de la Guerre d’Indochineà la suite de la victoire de Mao Zedong en Chine en 1949, dès le 14 janvier 1950 il reconnut diplomatiquement la République Démocratique du Viet Nam de Hô Chi Minh et lui apporta un soutien militaire actif (par mer, envoi de jonques chargées d’armes ; surtout par les cols des montagnes frontalières -Cols de Lang Son, Kao Bang… dont les Viet Minh s’emparèrent au prix de lourdes pertes- .  Les EU considéraient désormais la Guerre d'Indochine, non plus comme une guerre coloniale mais « un des fronts chauds de la Guerre Froide »  sur lequel les Français combatytent l’avancée du communisme dans le monde. Le président Dulles Eisenhower 1953républicain Dwight Eisenhower élu en novembre 1952 et  son secrétaire John Foster Dulles décidèrent de mettre en œuvre une politique visant à faire reculer le communisme dans le monde, le « roll back». C’est dans ce cadre que les EU apportèrent un soutien matériel aux français en Indochine : visite du vice président Richard Nixon en Indochine, prise en charge 15% des dépenses en 1950 ; 84% en 1954. Pourtant la France fut vaincue, pour isoler le Viet Minh de ses approvisionnement chinois, elle créa en novembre 1953 une base dans  la cuvette de Diên Biên Phu. La base fut bombardée dès mars 1954, rapidement isolée (les avions ne pouvaient plus atterrir sur les pistes défoncées par l’artillerie lourde) et approvisionnée par parachutages.  Le 7 mai 1954 le général de Castries et ses 15 000 hommes durent capituler .

 

2°) Les EU pris dans la mécanique de l’engrenage : En 1955, l’empereur Bao Daï remis au pouvoir par les français fut renversé par son  Premier Ministre Ngô Dinh Diem qui reçut le soutien de la bourgeoisie de Saïgon et des catholiques vietnamiens (environ 1 million). Le nouveau régime soutenu par les EU évolua vers la dictature militaire et refusa l’organisation d’élections  générales prévues en 1954 par la Conférence de Genève  sous contrôle de l’ONU, dans tout le Viet Nam par crainte d’une victoire des communistes. A partir de 1955 on vit affluer au Sud Viet Nam les conseillers militaires, les armes et les capitaux américains. Cette logique conduisit les EU à la guerre.bonze immole

    Pourtant le régime soutenu par les EU apparaît à la fois de plus en plus corrompu et isolé (opposition d’une partie de l’armée, des bouddhistes : nombreux suicides de bonzes  par le feu pour protester contre la présence des EU ; des libéraux hostiles à la dictature, des « viêt congs » communistes ). Tous ces opposants formèrent en 1960 le F.N.L. - Front National de Libération -. Peu nombreux au départ (1 contre 7) les viêt congs bénéficièrent de leur cohésion idéologique, du soutien de la population et de fournitures d’armes soviétiques et chinoises (par la « piste Hô Chi Minh » à travers le Laos et le Cambodge).

      A l’arrivée de John Fitzerald Kennedy, le président démocrate élu en novembre 1960, les viêt congs contrôlaient le tiers du Sud Vietnam ; Kennedy multiplia par 4 le nombre des conseillers américains  et favorisa en 1963 le renversement du clan Ngô.

 

3°) La Guerre du Viet-Nam : Face à l’intensification des infiltrations communistes du Nord, les EU décidèrent l’organisation de raids amphibies au Nord du 17ème  parallèle (donc au Nord Viet Nam). En août 1964 le navire américain Maddox fut mitraillé dans le Golfe du Tonkin par les Nord vietnamiens (en fait, l’incident fut provoqué par l’état-major des EU). Cela provoqua la réplique du Congrès des EU. Le successeur de johnson 1964Kennedy (assassiné à Dallas le 22 novembre 1963), Lyndon Johnson  décida de renforcer le corps expéditionnaire américain au Sud Viet Nam dans le cadre de l’O.T.A.S.E. - Organisation du Traité de l'Asie du Sud Est – et envoya des bombardiers B 52 pour bombarder le Nord Viet Nam à partir de février 1965.

    Les EU allaient mettre tout leur poids dans la bataille (800 000 soldats Sud vietnamiens soutenus par 550 000 G’Is  américains et quelques contingents des pays d’Asie du Sud Est membres de l’OTASE) en utilisant un arsenal terrifiant. 7Millions de tonnes de bombes ont été lancées sur le Nord Viet Nam soit 3 fois plus que sur l’Allemagne pendant la 2ème Guerre. La guerre pratiquée est d’un type nouveau qui cherche à éviter au maximum la rencontre directe et physique avec l’adversaire grâce à une technologie sophistiquée où l’électronique et la chimie jouent un rôle clé : bombes au napalm, bombes antipersonnelles,« produits défoliants » déversés par millions de tonnes  pour détruire la forêt qui sert de cache aux viêt congs. - Les trois quarts des 83 millions de litres de défoliant furent pulvérisés de 1967 à 1969 affectant entre 2,1 et 4,8 millions de personnes, dégradant entre 2,7 et 3,3 millions d’hectares, soit près du dixième de la superficie du Sud Vietnam. Ce qui correspond à 30 % de la forêt et des mangroves, selon le Stockholm International Peace Research Institute (Sipri). - À l’agent orange étaient associées des impuretés de fabrication dont la principale est la dioxine TCDD, qui sera classée comme cancérigène en 1997 par le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC). Sa toxicité est telle qu’il suffit de 80 g de ce produit, dilué dans de l’eau, pour empoisonner mortellement une ville de 10 000 habitants. Or, ce sont plus de 500 kg de ce produit qui ont été déversés par les Américains sur 10 % de la surface du Sud Vietnam, ainsi qu’en lisière du 17ème parallèle et le long des parties laotiennes et cambodgiennes de la piste Hô Chi Minh.( L’Agent orange ; crime d’hier, tragédie d’aujourd’hui. Éd. Tirésias, 2005, 162 p.)

effet defoliantsnapalm 1965 US Air Force

Nixon Richard a 1968Malgré tout cet effort militaire, le 30 janvier 1968 « l’Offensive du Têt »  - le nouvel an viet namien – menée par les viêt congs (prise de Hué, commandos viet congs pénétrant jusque dans le palais présidentiel à Saïgon) démontra le maintien de la force du Viêt cong qui dut cependant céder des positions clésen mai 1968.  « L’Offensive du Têt » montra aux américains la nécessité d’accroître leur effort de guerre, pourtant immense, au Vietnam. Ho-Chi-Minh 2En outre l’opinion américaine rejette de plus en plus la « sale Guerre du Vietnam »comme on la surnomme, si coûteuse. C’est pour y mettre fin que le républicain Richard Nixon  fut élu à la présidence des EU en novembre 1968. Soucieux de se rapprocher du bloc Est et de Brejnev, dans son « discours de Guam » en juillet 1969 il opta pour la « vietnamisation du conflit », c'est à dire le passage de l’engagement direct au seul soutien matériel et financier du Sud Vietnam (50 000 GI’s en 1973). Pourtant en juin 1970 les EU intervinrent au Cambodge pour couper la « piste Hô Chi Minh » qui alimentait en armes le Viêt Cong. Néanmoins les négociations déjà entamées sous Johnson se poursuivirent de 1968 à 1973 entre Henry Kissinger et Lê Duc Tho (qui eurent ensemble le Prix Nobel de la paix  en 1973) et aboutirent en janvier 1973 aux « Accords de Paris » prévoyant le retrait complet des troupes américaines dans un délai de 60 jours ainsi que la mise en place d’un « Conseil National de Réconciliation ».  

 

HISTOIRE D’UNE IMAGE

 

NG17bSud Vietnam, 8 juin 1972 : à Trang Bang (à 65 km au Nord-Ouest de Saigon), les bombardiers de l’aviation sud-vietnamienne surgissent et bombardent le village soupçonné de cacher des Vietcongs au napalm. Kim Phuc a remarqué l'avion qui volait lentement, et compté quatre bombes justeNich Ut Photo bombardement au-dessus de sa tête. Il n'y eut guère de bruit. Juste une immense flamme orange. Kim était plongée dans le feu du napalm. Elle se mit à courir avant de perdre connaissance, anéantie par la douleur, brûlée jusque dans ses os. Les sept enfants de la famille Phuc s'enfuient sur la route !

Phan Thi Kim Phùc, au centre de la photo, avait 9 ans à l'époque et avait arraché ses vêtements en flammes couverts de napalm pour courir et sauver sa vie. Son destin va entre-temps croiser la route de Nick Ut. «Nong Qua ! Trop Chaud !» hurle la petite dont les vêtements ont été dévorés par le feu. Sur la moitié du corps, sa peau tombe en lambeaux. «C'était une vision d'horreur, se souvient Nick Ut, jeune photographe vietnamien d'Associated Press. Je l'ai vu foncer sur moi, j'ai appuyé sur le déclencheur, puis elle s'est évanouie dans mes bras». Nick Ut utilisait un appareil Leica M2 fabriqué en 1965.

Nich Ut Photo 3 bNich Ut Photo 2

Pendant deux jours, la famille ignora tout du sort de la petite fille. Deux de ses cousins étaient morts sur la route. Kim, trop grièvement atteinte pour être soignée sur place, avait  été  transportée  en urgence   à   l'hôpital   de Saïgon.   Elle survivra après 14 mois d'hôpital et 17 opérations. Son corps n'était que plaie. « Le matin, on m'immergeait dans une baignoire     pour     me débarrasser de la peau qui, toujours, s'infectait. Elle se détachait par morceaux, il fallait la couper. Les plaies étaient à vif.  C'était si douloureux que je m'évanouissais. Un jour, lors de la visite de ma sœur, elle n'a pu supporter de me voir et s'est  évanouie. L'infirmière était furieuse ! »

 Le jeune photographe emmène la petite martyre à Saïgon où elle subira 17 interventions. Tous les jours, elle doit s'enduire le corps d'un onguent permettant de couper la peau brûlée. Les douleurs sont terribles mais Kim garde le moral, «Finalement, murmure-t-elle, cette photo m'a sauvé la vie».

A l'époque, le président Richard Nixon avait prétendu que cette photo avait été truquée ...

 

Le témoignage de Phan Thi Kim Phùc :

1972 napalm c« Du feu. Du feu partout. Du feu en moi .surtout. Il me consume, je ne comprends pas, j'ai si chaud, si chaud. On dirait que ma peau brûle, qu'elle se détache, qu'elle part en lambeaux, comme mes vêtements calcinés, qui sont tombés d'eux-mêmes, je me frotte le bras gauche, ça colle, c'est pire. Ma main droite est difforme. Je vais être affreuse ! Je ne serai plus jamais normale. Je ne vois que de la fumée. Il faut que je sorte du feu ! Je cours, je cours le plus vite possible. Mes pieds ne sont pas brûlés. J'ai de la chance. Plus vite. Il faut réussir à fuir. Je crois que je dépasse le feu. La fumée s'éclaircit. Je distingue des silhouettes. Je ne suis plus toute seule. Il y a du bruit, des cris, des pleurs. Je cours encore plus vite. Tout le monde court d'ailleurs : les soldats, mon petit frère Phiioc, à droite, mes deux cousins, à gauche. Et puis Pam, mon grand frère, qui m'a vue, qui s'affole, qui crie : « Aide: ma sœur ! Aide: ma sœur ! » II a compris que je brûle. Et moi, je hurle « Nong qua ! » (« trop chaud ! ») Le choc, l'urgence m'ont fait presque oublier la douleur. Elle survient pourtant. effroyable. Alors on va me verser un peu d'eau sur le corps, et ce geste sera fatal. Personne n'a

encore la moindre idée de ce qu'est le napalm. »

 

Diffusée partout dans le monde, l'image provoque un électrochoc au sein de l'opinion publique qui bascule massivement dans le camp des opposants à la guerre. Trois ans plus tard, en 1975, la débâcle américaine sera totale, et les chars du général Giap entrent dans la capitale, Saïgon. «On m'a souvent dit qu'elle avait précipité la fin du conflit, raconte Nick Ut. Mais pour moi, seule Kim comptait». Le photographe s'occupe de sa protégée jusqu'à son départ pour Los Angeles, après la chute de Saïgon en 1975. «Il fait partie de notre famille, dit Kim, c'est pourquoi, je l'appelle oncle Ut».

 

http://digitaljournalist.org/issue0008/ng_intro.htm

http://www.zeithistorische-forschungen.de/site/40208413/default.aspx

http://digitaljournalist.org/issue0008/ng_intro.htm

 

 LE MESSAGE ACTUEL DE PHAN THI KIM PHUC

nickut kimLe message de Kim Phuc est celui du pardon, de la réconciliation et de la tolérance. Kim Phuc Phan Thi a pardonné, mais elle n'a pas oublié. Mariée et mère de famille, «Joie dorée» vit au Canada depuis 1997. Lors d'une cérémonie commémorative de la guerre du Vietnam, elle a publiquement pardonné à l'instigateur des bombardements au napalm, qui ont causé toutes ses souffrances. Depuis, elle dédie sa vie à promouvoir la paixkim phuc 01 et a fondé, dans ce but, la «Fondation Kim Phuc». Cette fondation a pour objectif d'aider les enfants victimes innocentes des guerres dans le monde en leur apportant un appui médical et psychologique afin qu'ils puissent dépasser leurs expériences traumatisantes.

Mme Kim Phuc PHAN THI est ambassadrice de bonne volonté de l'UNESCO, on la voit ici lors de la Réunion annuelle en février 2002 au Siège de l'Organisation.

 kim phuc Nick ut

 

 Kim Phuc 2003

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